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Touich Restaurant: Un tremplin professionnel pour les jeunes cambodgiens




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Touich (à droite) accompagnée de toute son équipe, Siem Reap, février 2013

« Ma femme aurait rêvé d’avoir un plus grand accès à l’éducation et à l’information quand elle était jeune. On a donc décidé de monter un restaurant de cuisine familiale khmer pour financer des études de jeunes en reconstruction. » Le rêve de Sobey et sa femme Touich (proncez « Touille ») est aujourd’hui devenu une réalité pour plus d’une vingtaine de jeunes Cambodgiens vivant à Siem Reap, la ville de départ pour visiter les temples d’Angkor. Certains ont déjà intégrés la vie active dans des hôtels de luxe ou des restaurants de Phnom Penh et gagnent près de cinq fois le salaire mensuel moyen cambodgien (60 à 70 $). Les autres sont encore en formation sous les yeux attentifs d’un couple devenu leur bonne étoile et qui les considèrent comme leurs propres enfants.

Une formation en alternance à temps plein…
Malgré le côté très paternaliste de Sobey et sa femme, qui hébergent tous ces jeunes, leur vie est encadrée d’une rigueur proche de celle d’une vie de caserne. Tous les matins, le réveil sonne à 5h tapante. La journée commence alors par faire son lit correctement, nettoyer les chambrées et la préparation impeccable du petit-déjeuner. « C’est la clé de leur succès, explique Sobey : la rigueur ». Ensuite les plus jeunes vont au collège et les autres à l’université où ils mènent des études ambitieuses allant du droit à la finance, en passant par la comptabilité ou le tourisme. Et pour intégrer ce programme, tous se sont engagés à obtenir un diplôme de niveau Master 2. « C’est la règle », précise Sobey.

… qui débouche sur un emploi
Quand tout le monde est rentré à la maison, les cours continuent avec le maître des lieux. Au programme : culture générale, savoir-vivre et français. Un plus dont ces jeunes peuvent bénéficier grâce à Sobey qui a passé du temps en France où il s’est formé au management et à la cuisine. Après le repas et un court repos, les jeunes suivent des cours d’anglais dans une école tenue par des moines. Là encore, rigueur. Et enfin, à partir de 18h, selon la spécialisation de chacun : mise en place du restaurant, réception des clients, service en salle et cuisine. Fin de journée : 23h, coucher : minuit. Et ce, 7 jours sur 7, mais avec tout de même quatre semaines de vacances et des days off. « Un gros rythme je le sais, concède Sobey, mais c’est le seul moyen pour eux d’y arriver. » Et ça marche. Depuis le lancement du projet en 2007, dès qu’il y a une opportunité de travail les recruteurs viennent directement de Phnom Penh pour embaucher les jeunes de Touich et Sobey. Un énorme succès pour des jeunes en reconstruction et revenus parfois de loin.

60% des bénéfices financent l’éducation des jeunes
Cette initiative est financée par les bénéfices que dégage le restaurant de Touich qui y consacre 60% des recettes. Les jeunes du programme sont ainsi nourris, logés, suivent une formation universitaire et/ou professionnelle et perçoivent un salaire entre 40 et 200$ selon leur âge. Si vous voulez participez à ce projet et que vous aimez le tourisme (inter)actif, Sobey propose également aux touristes des virées dans sa Jeep de 1964, tout droit sortie d’un film de guerre, pour leur faire découvrir les environs de Siem Reap. « C’est un bon moyen d’entrer en relation directe avec la population locale et de participer à la vie d’un village », explique-t-il. Vous pourrez ainsi apprendre à faire du sucre, donner un cours de français dans une école ou comme c’est arrivé à une sage-femme en visite : accoucher une femme en urgence et sans matériel. Souvenirs mémorables garantis.

Sunny, 21 ans : « Je suis la première à faire des études dans ma famille »Sunny
« Je suis très heureuse de faire partie de ce programme car cela me permet de faire des études et d’accéder plus tard a un meilleur statut. J’ai commencé en 2010 comme serveuse et aujourd’hui je suis chef de salle. En parallèle je suis en première année d’études de banque à la fac. J’ai choisi cette filière car il est facile pour une femme de trouver du travail dans ce secteur et c’est très bien vu. C’est une grande fierté pour moi car je suis la première à faire des études dans ma famille et mon salaire me permet de les aider. J’ai huit frères et soeurs. Les journées sont longues et parfois je suis très fatiguée mais je tiens car je pense à mon avenir. C’est très important pour moi. Je veux m’insérer dans la vie professionnelle afin que le regard sur ma famille change et gagner le respect de la société. »
Yorl, 27 ans : « Je veux devenir chef de province pour sortir le Cambodge de la pauvreté »

IMG_6516« Quand j’ai rencontré Sobey, je ne trouvais pas de travail. Mon père avait même dû vendre son petit bout de terrain pour vivre. Mais en 2007, j’ai participé au lancement du restaurant avec ma soeur Touich et Sobey. Depuis je touche un salaire qui me permet de payer mes études de droit dont les frais de scolarité varient entre 370 et 500$ par an. Ca a changé ma vie. Je peux étudier et aider ma famille à présent, ca me fait du bien. J’ai choisi le droit car je veux protéger ma famille. Si on ne connait pas ses droits on peut se faire écraser. Quand j’aurais terminé mes études d’ici un an, je veux devenir fonctionnaire et prétendre plus tard au poste de chef de province. J’espère ainsi pouvoir aider les gens en faisant construire des routes, des ponts et améliorer le niveau d’éducation actuel. Sans cela les Cambodgiens ne pourront jamais sortir de la pauvreté. »
Publié par: Angel Herrero Lucas - Journaliste
http://www.asileenasie.wordpress.com